French Electronica Jazz Vibe


BISKIT ZONE

2016, naissance.

 

Nous sommes en avril 2016. Le tourbus vient de partir. Je suis dedans, avec toute l’équipe. Des artistes, des musiciens, des techniciens et un frigo fraîchement ravitaillé, prêt pour la nuit. Cette tournée n’en finit pas, mais nous sommes comme toujours contents d’être là, un show de plus à notre actif. Pourtant j’ai envie d’autre chose et je pense déjà à ce que je pourrai bien mettre en place « après ».

Les habitants de ce petit hôtel sur roues montent au compte-gouttes se blottir dans leurs couchettes, enfin seuls, bercés par le ronron des quatre-vingt-dix kilomètres heures constants. Ce soir Karim et moi seront les derniers dans le salon.

Les scènes, les studios, les chambres, les pensées que nous avons partagés, ce batteur et moi, Karim et moi, il n’est plus possible de les compter. Ici nous sommes des «  side-men », donnant le meilleur au service de « l’artiste ». Depuis vingt ans, nous jouons ensemble. De la pop, de la soul, du funk, du hip-hop, des chansons, celles des autres ou les nôtres, des grooves, et j’en passe.

Je lui dis, là, dans ce tourbus au beau milieu de la nuit, combien j’ai envie d’un groupe, d’un labo, pour créer, pour jouer, chercher, prendre des risques, à plusieurs, dans l’écoute mutuelle, la proposition collective. Un projet de plus, mais différent.

On dira « jazz ».

 

Karim Benaziza aime les  musiques, connaît les répertoires, des frères Brecker à Nirvana, des thèmes de cuivres aux paroles des deuxièmes couplets. Je me dis que j’aimerais l'entendre ressortir tout ça en même temps sur les peaux de ses fûts, dans l’instant, et y mélanger mes claviers, électriques, électroniques. 

L’écho est immédiat. Il me dit être dans le même état, dans le même besoin. Il me parle des New-Yorkais, de McCaslin, Lindner, Guiliana et Lefevre. La discussion s’étend, la nuit passe, l’envie s’exprime pleinement, et la sensation de partage a déjà commencé.

 

Il nous faut un troisième, bien sûr. Au moins un trio, au mieux quatre ou cinq. La basse doit être présente, précise, généreuse, versatile. L’alter ego apparaît naturellement, avec son énergie, son inspiration, au fil de concerts musclés et prolongés, partagés sur la scène d’un club enneigé : Xavier Zolli me répond que « ce serait un kiff ». 

 

J’ai quelques idées, des thèmes, des riffs, des cadences, trois fois rien, mais une première matière parfaite à torturer.

 

Je ressens le besoin d’un instrument « monophonique », mélodique, classe, pur et sans pitié. Je reprends contact avec Julien Silvand, trompettiste rencontré il y a des années sur les scènes funky parisiennes. Son phrasé est resté dans ma mémoire. Proposition acceptée, nous avons notre équilibriste, prêt à en découdre.

 

Une voix, instrument ultime s’il en est. Pas de chant, mais une voix, du rythme, des mots, un son. Un anglais, Duncan Roberts, ami, artiste auteur, compositeur, chanteur. Je lui propose ce poste que je l’imagine enfiler comme un costume, nouveau pour lui, à ajuster sur mesure au fil de textes à poser çà et là sur notre son à venir. Là encore c’est l’envie enthousiaste, la curiosité en réponse.

 

Nous sommes cinq. Les premières répétitions, certaines enregistrées, filmées, les morceaux, nés, modifiés, triturés, recommencés, encore. Chercher le son, la phrase, le riff, la mesure. Se surprendre, s’écouter, essayer, encore. La personnalité née du mélange se dévoile, et nous fait des promesses. BISKIT ZONE promet.

 

Vincent Guibert.